top of page

"Marina A." d'Éric Fottorino

Rentrée littéraire Hiver 2021

Une belle nuit de la lecture avec l'excellent roman d'Éric Fottorino pour une expérience au monde, à l'art et à l'autre, qui vous happe. Comme ce regard... celui de Marina A., le titre du roman et le nom de l'artiste serbe Marina Abramovic qui a révélé l'art de la performance au grand public. Nous sommes à Florence, lorsqu'un médecin en vacances avec sa famille se trouve perturbé puis obsédé, par l'apparition de cette affiche annonçant à chaque coin de rue, le venue de cette icône de l'art contemporain, dont Paul n'a pourtant jamais entendu parlé. Il était venu chercher l’extase devant les chefs d’œuvres italiens de la Renaissance, mais c’est à travers l’art corporel de Marina que se manifestera finalement son syndrome de Stendhal. La première partie du roman est donc largement consacré à raconter les performances d’Abramović dont celle de 1974 qui marquera les mémoires, intitulée "Rhythm 0". L’artiste se tient debout, figée, dans une pièce dans laquelle elle va se livrer entièrement au public pendant six heures. Devant elle sur une table se trouvent 72 objets répartis en 2 catégories "plaisir" ou "destruction". La consigne est simple : "Vous pouvez me faire ce que vous voulez. Je suis un objet. Je prends la responsabilité de tout ce qui se passera dans le laps de temps de cette performance".

Au bout des 6 heures, l’artiste est allongée et attachée à une table, ses vêtements déchirés avec des lames de rasoir, son corps lacéré de coupures. Elle a subi des attouchements. Des épines lui ont été enfoncées dans le ventre. Une bagarre entre deux groupes de visiteurs a finalement mis un terme à la performance, quand un homme a pointé le pistolet chargé d’une cartouche, sur sa tempe. Marina Abramović par cette expérience extrême a ainsi démontré qu’une personne « normale » peut facilement devenir agresseur lorsqu’elle y est autorisée et déshumaniser rapidement quelqu’un qui ne se défend pas. Un terrible constat qui vient faire écho, 10 ans après, à la fameuse expérience de Milgram, qui interrogeait déjà sur la propension de chacun à obéir presque aveuglément à un ordre de violence sur autrui, dès lors qu’il était cautionné par une autorité identifiée comme légitime.

Si le personnage d’Éric Fottorino, chirurgien-orthopédiste de métier, répugne à ses expériences de mutilations du corps, le roman pénètre une nouvelle dimension de réflexion, quand Paul remet ces exercices performatifs et les messages qu’ils délivrent, à l’aune de son histoire familiale, de la pandémie mondiale et des confinements qui bouleversent la relation à l’autre. Car à l’issue de cette quête autour d’une artiste hors-norme, de son art conceptuel et du sens que les performances renvoient de notre monde, reste l’image de Marina et de son compagnon Ulay avec qui elle a performé de nombreuses années.

Leur impossible rapprochement et leur indéfectible lien. 
 Nous y sommes, au cœur du sujet, au cœur du roman, au cœur du rapport à l’art, du rapport à l’autre… de la nécessité de LE protéger pour NOUS apaiser.


41 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page